Lettre à Nathalie Morin
Aux lecteurs et lectrices,
En avril 2005, une jeune femme prénommée Nathalie Morin part pour l’Arabie Saoudite avec l’homme qu’elle aime et leur fils, Samir. Son rêve de princesse tourne vite au cauchemar : elle subira de la violence physique et psychologique, donnera naissance à deux autres enfants, Abdullah et Sarah, et sera contrainte à avoir des relations sexuelles avec son mari. (Dans les faits, ils ne sont pas mari et femme, M. Saeed Al Bishi- conjoint de Nathalie- a fait de fausses déclarations en entrant en Arabie Saoudite.)
Dans un pays où les droits et libertés existent, entre autres le Canada, forcer une femme à avoir des relations sexuelles sans son consentement est appelé un viol. Dans le pays où Nathalie se trouve, ce mot est inexistant, ainsi que les droits des femmes.
Sept ans plus tard, elle est toujours prisonnière de son bourreau, qui lui fait toujours subir de la violence, à elle, mais également à ses enfants. À plusieurs reprises, il a demandé une rançon au Canada contre Nathalie et les enfants. Ceci soulève quelques interrogations sur le type d’attachement qu’il a envers ces derniers. Quel père serait prêt à échanger ses enfants pour de l’argent?
Certaines personnes accuseront Nathalie d’être la seule responsable de son sort. Il est vrai qu’elle est allée en Arabie Saoudite de son plein gré, mais qui n’a pas fait d’erreur dans sa vie? Qui n’est jamais tombé follement amoureux d’une personne? Nathalie est simplement tombée amoureuse du mauvais garçon et dans le mauvais pays. Il est important de spécifier que l’Arabie Saoudite n’est pas un mauvais pays en soi, simplement que les lois sont diamétralement opposées à celles de l’Occident et que celles en matière d’égalité des sexes sont inexistantes. Ici, lorsqu’une femme est victime de violence conjugale, elle a la possibilité de frapper à une porte; des organismes peuvent lui venir en aide, des amis (es), de la famille ou même la police. Là où se trouve Nathalie, c’est impensable.
Elle est tombée amoureuse de la mauvaise personne, à qui n’est-ce pas déjà arrivé? Un homme ou une femme que l’on aurait préféré ne pas croiser sur sa route afin que cette personne ne soit jamais entrée dans notre vie? Doit-elle en payer les conséquences pour le reste de sa vie? Doit-elle payer si cher sa naïveté? Rappelons qu’elle avait 17 ans lors de sa rencontre avec cet homme. Samir, Abdullah et Sarah, eux aussi en payeront le prix toute leur vie?
À Nathalie,
Je suis ici, devant mon ordinateur, consciente de la liberté que je possède, du droit de sortir de chez moi, de travailler, de conduire ma voiture, d’être une femme célibataire ou mariée. Et toi, qui es là-bas avec aucun droit, à qui on ne donne même pas le droit d’être un être humain à part entière. Je ne te connais pas personnellement, pourtant tu es dans mes pensées presque chaque jour. Je rêve du moment, chère compatriote, où toi et tes enfants foulerez le sol canadien. Je pense à ta mère, à qu’elle point une partie de son cœur a dû lui être arraché depuis que tu n’es plus à ses côtés et surtout depuis qu’elle te sait dans de mauvaises conditions.
Tu es devenue un symbole à mes yeux, celui qui démontre que tout n’est pas gagné pour les femmes à travers le monde et que la lutte pour l’égalité des sexes est loin d’être atteinte.
Je suis ici, chère compatriote, et je sais que je pourrais ouvrir la porte de ma maison pour en sortir, et toi, chère sœur, tu es là-bas, enfermée dans ton appartement, sans pouvoir sortir.
Je pense à toi, comme de nombreux autres Canadiens et Canadiennes.
Je souhaite de tout cœur que vous puissiez revenir dans ton pays; pays extraordinaire, de droits et libertés, que l’on oublie trop souvent. Je prie pour qu’un jour tu puisses élever tes trois petits trésors dans ce pays qui est le nôtre, qui est le tien.
Oserais-je te dire ceci? Ne désespère pas, accroche-toi, il y a des gens ici qui pensent à toi et ne t’oublient pas. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
D’une compatriote qui ne t’oublie pas.
Rachel F. Wiseman
Saint-Basile-le-Grand