Une vie pour protéger, servir… et donner au suivant

Bernard Gravel

Aujourd’hui policier à la retraite, Bernard Gravel vient en aide et favorise l’intégration des personnes ayant des limitations. Entre les deux, il s’est passionné pour le vin. Rencontre.
Bernard Gravel connaît Saint-Bruno-de-Montarville comme il connaît les allées de son vignoble. Il a été policier pour la Ville à partir de novembre 1975. « J’ai vu grandir et grossir la municipalité. Je l’ai vue progresser. J’y ai passé de belles années, qui ne s’oublient pas », relate Bernard Gravel, avec qui Les Versants s’est entretenu au vignoble de Mont-Saint-Hilaire.
M. Gravel est devenu policier jeunesse et communautaire pour les écoles au début des années 80. Après un passage à Nicolet en tant qu’instructeur, il est revenu à Saint-Bruno comme sergent, poste qu’il a occupé pendant 21 de ses 33 années de métier en uniforme. Selon lui, il y a plus de misère que ce que le public peut croire à Saint-Bruno, et ce, encore aujourd’hui.

« On ne juge pas les gens parce qu’ils sont handicapés, et accueillir la différence, c’est gratifiant. » – Bernard Gravel

Élevé dans une famille de constructeurs briqueteurs, M. Gravel a appris à poser du ciment et de la brique. Il a cependant décidé de changer de voie lorsqu’un travailleur est tombé du 2 étage et s’est cassé les deux poignets. « J’aurais aimé devenir militaire, mais ce n’est pas ce que ma mère souhaitait. Je suis donc devenu policier, pour les bonnes conditions de travail, et pour suivre les pas de mon grand-père Gravel, qui œuvrait à Québec. »

La famille Bastone et le vin

Sa passion pour le vin, Bernard Gravel la doit aujourd’hui à la famille Bastone, qui gère la pizzeria de la rue Montarville depuis plus de 40 ans. Les policiers du quartier mangeaient à ce restaurant et ils ont fait connaissance avec les propriétaires. « Ce sont eux qui m’ont montré à fabriquer et à boire du vin. J’ai mis les mains à la pâte », raconte l’homme de 67 ans.
À Verchères, au milieu des années 90, Bernard Gravel plante ses premières vignes, quelque 550 plants, sur un terrain de 57 000 pieds carrés. Une décennie plus tard, il vend et acquiert, avec sa conjointe Jasmine Berger, le terrain à Mont-Saint-Hilaire, sur lequel ils plantent leur premier cépage sur 500 000 pieds carrés avecquelque 9 000 vignes en production. De nouvelles plantations amèneront le vignoble La Grande-Allée à 16 000 plants prochainement. On y retrouve aussi des bleuets pour l’autocueillette, des fleurs, des ruches dont les abeilles pollinisent les bleuetiers, trois chiens et des personnes à capacité limitée. « J’ai pris ma retraite de la police le 1juillet 2007 et tout de suite après, j’étais à temps plein ici. »
Trois vins sont disponibles dès maintenant et ont été élaborés avec les récoltes de 2012 à 2016. Deux autres vins seront mis en bouteille d’ici la fin du mois de juin.

Intégration

Depuis 2010, Bernard Gravel collabore avec le Service d’aide à l’emploi et de placement en entreprises pour personnes handicapées (SDEM SEMO Montérégie) afin d’intégrer des individus ayant des limitations, souvent à titre de stagiaires. Il y a eu Maxime, avec qui il a appris à texter, Marie-Ève, Daniel, Adrianna, qui lui procure les ruches, William, Élisabeth, Guylaine, qui est gérante du vignoble, et bien d’autres. Lors de l’ouverture officielle du vignoble, certains d’entre eux étaient sur place pour accueillir les invités ou encore pour servir les bouchées. M. Gravel leur apprend quelques tâches horticoles. « On ne juge pas les gens parce qu’ils sont handicapés, et accueillir la différence, c’est gratifiant, enrichissant, pour moi autant que pour eux. Quand je vois leur sourire, à ces gens, ça vaut beaucoup; ma mission est réussie », poursuit celui qui siège au conseil d’administration du SDEM SEMO Montérégie.
Sa fille, une bachelière en anthropologie asiatique, parle et écrit le japonais, mais ne travaille pas, diagnostiquée avec un TDAH. Son fils manque de concentration et souffre d’un léger trouble d’anxiété. Le jeune frère de Bernard Gravel vit avec la maladie de Parkinson. « Entouré de gens en limitations, j’ai eu des leçons de vie qui m’ont amené à avoir des réflexions et des opinions différentes, à vivre de beaux moments de bonheur. Il y a tellement de façons de rendre service. Ça n’a pas toujours besoin d’être de grands gestes. »