Sortir la langue de sa poche
En vue de la Journée internationale de la Francophonie du 20 mars, le journal s’est entretenu avec le ministre de la Langue française et député de Chambly, Jean-François Roberge.
« Ça nous rappelle que nous appartenons à un groupe qui est très grand », mentionne le ministre à l’égard de cette journée. Dans le cadre de ses fonctions, il s’adressera à l’Assemblée nationale, il rencontrera le Centre de la francophonie des Amériques et aura des échanges avec divers membres venant de la francophonie canadienne.
Décrivez-moi, dans vos mots, ce qu’est la langue française.
C’est le cœur de l’identité québécoise et c’est la langue dans laquelle je pense et je rêve. »
Quel est le déclencheur vous ayant fait aimer la langue française?
Comme Obélix, je suis tombé dedans quand j’étais petit. Je viens d’une famille où la culture est très importante. La qualité de la langue française, les jeux de mots, les émissions comme Les Beaux Dimanches, les spectacles au théâtre, c’était fréquent dans ma famille. Le plaisir de jouer avec les mots, on a toujours eu ça chez moi. Pour moi, c’est un naturel, c’est partout dans ma vie.
La langue française est-elle trop complexe, trop capricieuse avec ses règles et irrégularités?
La langue française, c’est la plus belle de toutes. Elle n’est pas trop capricieuse ni trop difficile. D’ailleurs, quand c’est trop facile, il n’y a pas de mérite. Si elle est difficile, c’est qu’elle est riche. Ça permet d’exprimer toutes les nuances. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément.
Y a-t-il un mot qui, invariablement, vous cause des maux de tête quand vient le temps de l’écrire?
Des fois, le mot appel, je ne sais jamais s’il y a deux » p » ou deux » l », en fonction de » je reçois un appel » ou quand on conjugue le verbe appeler. Voyez-vous, je viens pour le dire et ça me mélange, je suis toujours en train de le chercher, c’est ma bête noire.
Y a-t-il un mot que vous affectionnez particulièrement?
Isabelle, car c’est le nom de ma femme.
Y a-t-il une expression colorée issue de la langue française qui vous fait sourire?
J’aime quand on est capable de tordre les mots. J’aime beaucoup la prose de Daniel Boucher. Sa manière d’inventer des mots, et les poètes ont ce droit-là.
« Comme élu, j’ai une responsabilité de bien m’exprimer. »
– Jean-François Roberge
Que pensez-vous du joual?
Je ne snobe pas les gens qui parlent le joual parce que l’on parle la langue qui nous a été transmise. Si nos parents nous parlaient d’une manière différente, on garde cette langue-là. Par contre, comme élu, j’ai une responsabilité de bien m’exprimer. Puis, tous ceux qui sont dans les médias ont cette même responsabilité. Jamais je ne jugerai quelqu’un qui me parle dans la rue en joual. Mais si quelqu’un dans une émission de télé ou de radio, animateur ou journaliste, fait une faute de français, je déteste.
La massacrons-nous trop, notre langue, dans les diverses sphères publiques, télévision, chanson, éducation, médias, politique?
Souvent, j’entends des animateurs qui, pour avoir l’air cool, comme on dit, et je le fais, là, moi-même, vont utiliser certains mots. J’entendais parfois des gens d’émissions de radio qui disaient » Aujourd’hui, on va avoir un mix soleil/nuages « . Ça, ça me faisait revirer les oreilles. C’est le genre de chose qui me dérange un peu, mais, en même temps, je ne suis pas un donneur de leçons.
Comment réagissez-vous quand vous recevez un message de la part d’un enseignant de vos enfants contenant des fautes de français?
Je ne me souviens pas d’en avoir reçu.
Que fait-on pour freiner le déclin de la langue française au Québec?
Beaucoup de choses sont à faire. Ça va toucher la culture, le réseau d’éducation et de l’enseignement supérieur, l’immigration et la francisation des gens qui ont fait le choix du Québec. Ça concerne aussi l’international, parce que la culture voyage et que le numérique ne connaît aucune frontière. C’est en actionnant tous ces leviers que l’on va arrêter le déclin de la langue française.
Outre les Québécois, de tous les peuples maniant la langue française, lequel a le plus bel accent à vos oreilles?
Un accent, c’est comme une chanson. Au Nouveau-Brunswick, je trouvais amusant d’entendre cette sonorité. Même au Québec, il y a toutes sortes d’accents qui sont charmants. Même pas besoin de sortir du Québec. Mais un accent, ce n’est pas une faute. Il ne faut pas reprendre quelqu’un parce qu’il a un accent, au contraire.