Trois maires veulent décider seuls au sein de l’agglomération de Longueuil
Le maire de Saint-Bruno-de-Montarville, Martin Murray, a fait l’unanimité contre lui à la dernière séance du conseil municipal de Saint-Bruno. Il a voté à l’agglomération de Longueuil pour que les maires, représentant les Villes liées, ne soient plus redevables auprès de leurs élus au conseil municipal.
L’ensemble des élus de la séance du conseil municipal de Saint-Bruno présents, ont reproché vivement au maire, Martin Murray, d’avoir voter à la dernière séance du conseil d’agglomération de mars, pour demander au gouvernement d’abroger les articles 61 et 62 de la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations.
Ces deux articles indiquent clairement que les maires des cinq municipalités liées de l’agglomération de Longueuil, ont l’obligation de suivre les orientations de leur conseil municipal lors des délibérations et du vote en séance d’agglomération.
Retour sur les faits
À la fin de la séance du conseil d’agglomération du 25 mars, la mairesse de Longueuil, Sylvie Parent, a proposé de retirer de la loi les articles 61 et 62. « Je propose une résolution pour demander à la ministre des Affaires municipales une modification législative pour retirer de la loi les obligations d’orientation. »
Mme Parent faisait ainsi écho aux propos de M. Murray tenus peu avant sa demande de résolution. Le maire de Saint-Bruno indiquait qu’il n’était pas libre de voter comme bon il lui semblait au sein de l’agglomération de Longueuil. « Dans les MRC, les maires ont la possibilité d’user de leur jugement, ce qui n’est pas le cas dans l’agglomération. Les maires sont élus par l’ensemble de la population. La situation actuelle est absurde. » Il a précisé de plus, que le conseil municipal de Saint-Bruno, qui ne lui est pas favorable, « m’oblige à voter contre des résolutions (de l’agglomération). »
Le maire de Saint-Lambert, aussi minoritaire au sein de son conseil municipal, comme Martin Murray, a voté en faveur de la résolution écrite séance tenante par Mme Parent, la rendant applicable.
Un courrier sera ainsi envoyé à la ministre des Affaires municipale pour lui demander de supprimer les articles 61 et 62 de la loi. Cela permettrait aux maires des Villes liées d’engager seul leur municipalité sur les décisions de l’agglomération.
« Je suis très mal à l’aise que cela arrive au tour de table comme ça, et qu’on nous demande de nous prononcer sans en avoir parler à notre conseil. C’est certains, je vais m’abstenir de voter et je vous encourage à en parler avec les membres de votre conseil parce que ça les touche. » – Jean Martel
Mise en garde
Jean Martel, maire de Boucherville, a mis en garde les trois maires avant que la proposition ne passe au vote, en expliquant qu’il se sentait mal à l’aise de cette disposition amenée séance tenante. « Je suis très mal à l’aise que cela arrive au tour de table comme ça, et qu’on nous demande de nous prononcer sans en avoir parler à notre conseil. C’est certains, je vais m’abstenir de voter et je vous encourage à en parler avec les membres de votre conseil parce que ça les touche. »
La mairesse de Brossard, Doreen Assaad, a aussi été catégorique afin de vouloir consulter les membres de son conseil. « Je ne me sens pas à l’aise de voter favorablement à cette résolution. »
Le ministère des Affaires municipales devra également prendre en compte le tollé qu’a suscité auprès des conseillers municipaux de ces trois Villes cette décision unilatérale des trois maires. En effet, les élus de Boucherville, Brossard et de Saint-Lambert ont adopté une résolution pour envoyer leur désaccord à l’abrogation des articles 61 et 62 de la loi au Gouvernement. « Par respect pour la démocratie, les élus de la Ville de Boucherville souhaitent le maintien des règles établies par les articles 61 et 62 de Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations », pouvait-on lire dans le procès verbal de la séance du conseil municipal de Boucherville.
À Saint-Bruno
Tous les élus de Saint-Bruno, à l’exception de Vincent Fortier (district 2) et Joël Boucher (district 8) absents de la séance, ont fustigé le maire et voté en faveur d’une résolution déposé par Marilou Alarie (district 6) pour demander à l’agglomération de ne pas aller de l’avant pour abroger les articles 61 et 62. « Vous avez manqué de respect aux élus de votre conseil en alléguant (à la séance du conseil d’agglomération) que ces derniers votaient sur des dossiers de l’agglomération sans trop comprendre, parce qu’ils ne lisaient pas les documents. Ce sont des accusations gratuites, inacceptables et indignes du poste que vous occupez. En ce qui me concerne, je lis tous les documents et je sais exactement pour quoi je vote. Alors je souhaite que vous vous excusiez », a demandé Louise Dion (district 1) au maire, qui ne le fera pas. Lors de son intervention, il accusera l’ensemble des conseillers de ne pas « réfléchir » lorsqu’une orientation au conseil d’agglomération doit être donnée au maire au conseil municipal.
Pour Ludovic Grisé-Farand (district 4), « C’est antidémocratique, dictatorial et c’est une gifle aux visages des citoyens de Saint-Bruno qui paient leur taxes et qui ont droit à une représentation digne de ce nom au conseil d’agglomération. Je remercie Jean Martel et Doreen Assad de ne pas s’être embarqués dans cet affront à la démocratie pour avoir voter contre le proposition de M. Murray et Mme Parent. »
Isabelle Bérubé (district 5) a voulu simplement apporter un amendement à la résolution pour la rendre plus simple, tout en l’appuyant, montrant ainsi son désaccord avec le vote du maire à l’agglomération, mais sans ajouter de commentaire.
Pour Marilou Alarie (district 6), elle a jugé la situation « extrêmement grave. Trois magistrats, qui soit dit en passant ne se représentent pas aux prochaines élections municipales, profitent de leurs derniers mois de mandat pour tenter de nuire à la démocratie municipale dans les Villes liées. J’ai trouvé la séance de l’agglomération surréaliste. Il y a deux ans, le commissaire à l’intégrité et aux enquêtes a envoyé une lettre au directeur de Longueuil pour rappeler aux maires qu’ils avaient le devoir de respecter les articles 61 et 62. »
Caroline Cossette (district 3) s’est interrogée à savoir qu’elle était la différence entre le gain individuel qu’aurait fait M. Murray en votant de la sorte et le gain de la collectivité. « À quoi vous avez pensez en adoptant cette résolution? À un gain individuel ou à un gain collectif? » Une question auquelle elle n’aura pas de réponse.
Pour Jacques Bédard (district 7), « en 2013, notre maire nous a embarqué dans une guerre contre l’agglomération. Depuis que le maire siège au conseil de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) son opinion a beaucoup changé », reliant l’attitude du maire à celle de la conseillère Isabelle Bérubé qui « a révoqué les intention de son conseil de Ville au niveau de la Commission d’aménagement. » Cette dernière a évoqué alors un point d’ordre à la séance.
En concluant les interventions de l’ensemble des conseillers, le maire a mis de l’avant que « le décret gouvernementale (les articles 61 et 62) ne s’applique qu’à l’agglomération de Longueuil. Il n’existe nul part au Québec. » Il a légitimisé son vote à l’agglomération de Longueuil en indiquant que les articles 61 et 62 avaient été imposés par Québec. « Le gouvernement à l’époque a obligé le maire de Brossard, qui était en opposition avec l’agglomération, à voter dans le même sens que l’agglomération parce que ses élus municipaux étaient en faveur de l’agglomération. Malheureusement, le gouvernement du Québec, dans sa sagesse, a décidé que le décret devait s’imposer pour obliger le maire d’agir dans le sens que ses élus lui disent. Et les élus étaient en accord avec l’agglomération. »
La situation semble assez identique aujourd’hui, avec des élus qui veulent que les orientations du conseil municipal de chacune des cinq Villes liées soient suivies.