Une décision du ministre…

Les journaux locaux nous apprenaient récemment que la Ville de Saint-Bruno avait interpellé le ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) à deux reprises pour l’obtention d’un certificat d’autorisation, en lien avec le projet immobilier de La Futaie. Bien qu’une décision soit souhaitable, l’indignation de la mairie soulève plusieurs interrogations qui méritent d’être considérées plus attentivement.

Premièrement, il importe de reconnaître la teneur de la loi sur les espèces menacées et la raison pour laquelle nul ne peut détruire, extraire ou déplacer une espèce désignée. Le problème n’est pas technique (peut-on déménager un spécimen avec succès?), mais bien écosystémique. Si une espèce est menacée, c’est soit parce que son habitat est en déclin ou que les pressions humaines la rendent plus vulnérable. Le maintien de populations viables passe impérativement par la protection des milieux eux-mêmes.

Deuxièmement, prétendre qu’un développement dans une forêt mature, juxtaposée à l’un des plus petits et plus importants parcs du Québec sur le plan de biodiversité, peut être qualifié de durable n’est que pure dérision. Dénoncé à maintes reprises par les citoyens (ex.: consultation publique, avis du comité consultatif en environnement, pétitions) et par la communauté scientifique du Québec (voir « Où est le plan sud », Le Devoir, 3 août 2012), le projet de La Futaie est non seulement insoutenable sur le plan écologique, il ne s’appuie sur aucune science et est contraire aux principes les plus élémentaires en matière de conservation. Comme le dit si bien Wendell Berry, « on ne peut savoir ce que l’on fait, si l’on ne comprend pas ce que l’on défait ». Les choix de la Ville dans ce dossier suggèrent que celle-ci ne comprend toujours pas ce qui sera défait par ce projet – avec ou sans les 130 conditions invoquées.

Enfin, l’idée que ce projet soit nécessaire pour assurer la santé des finances publiques est sans fondement. En plus de ne pas tenir compte de son coût d’opportunité, cette position suppose qu’il n’y a pas d’alternatives aux maux engendrés par notre mauvais développement. Mais comme soutenait Albert Einstein, on ne peut résoudre nos problèmes avec les mêmes idées qui les ont créés. En plus d’être un affront à notre capacité d’imaginer et de créer un avenir où la protection de notre patrimoine naturel et agricole deviendrait la condition sine qua non de tout développement responsable, détruire une forêt mature dans notre contexte va à l’encontre des objectifs du Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) auquel Saint-Bruno dit adhérer, sans oublier la protection de la biodiversité, et les nombreux services qui en découlent.

Je sympathise avec l’impatience de la mairie pour une décision du ministre, mais j’espère qu’enfin celle-ci reconnaîtra que l’intérêt collectif doit parfois avoir préséance sur celui de l’individu.

 

Alain Fréchette

Résidant de Saint-Bruno