Nos centres-villes survivront-ils?
Un sondage Léger Marketing révèle que les Québécois sont inquiets pour leurs centres-villes. Nos municipalités partagent-elles ces craintes?
Les villes canadiennes recevront du gouvernement Trudeau 2,2 milliards de dollars dès juin pour les aider à contrer les impacts économiques de la pandémie. Cet argent proviendra du Fonds fédéral de la taxe sur l’essence.
Une aide jugée insuffisante par la Fédération canadienne des municipalités, qui demande, quant à elle, de 10 à 15 milliards.
Le sondage Léger Marketing, publié le 9 juin, révèle que 72 % des Québécois fréquentent moins leur centre-ville, artère commerciale ou noyau villageois depuis le début de la crise. Sans surprise, 83 % des Québécois pensent que la crise de la COVID a eu un impact négatif sur la vitalité des cœurs de villes et de villages, de même que sur le chiffre d’affaires des commerçants qui y exploitent une entreprise.
« Il y a de quoi s’inquiéter pour nos centre-villes, noyaux villageois et artères principales. Ils ont besoin d’amour », constate Christian Savard, président exécutif de Rues principales. Déjà, avant la crise, les cœurs de collectivités souffraient de la vacance sur les artères commerciales, de la perte de dynamisme, de la concurrence commerciale ou du laisser-aller de leur patrimoine bâti.
« La pause qu’a connue le Québec n’a fait qu’aggraver la situation », ajoute M. Savard.
Relancer les centres-villes
Devant ce constat, les deux tiers des Québécois sont favorables à ce que l’État soutienne spécifiquement la relance de leurs centre-ville, noyaux villageois et artères commerciales dans le cadre de mesures de relance économique post-COVID. L’annonce, la semaine dernière, du gouvernement du Québec, qui bonifiera de 140 millions de dollars le Programme d’aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, est un bon exemple de mesures qui ont le potentiel de revitaliser nos cœurs de villes, de villages et d’artères commerciales.
« Les Québécois sont d’accord : le gouvernement doit maintenant investir pour redynamiser nos cœurs de villes et villages et nos artères commerciales. On doit, sans attendre, allouer un fonds de soutien massif à la redynamisation des centralités et au soutien des commerçants », exhorte Christian Savard, président exécutif de Rues principales.
Il rappelle que « la vitalité de nos cœurs de collectivités n’est pas seulement un enjeu pour les commerçants. Une rue principale, c’est souvent l’âme de la collectivité et le lieu d’enracinement de son identité ».
On y apprend aussi que les répondants sont plutôt favorables à ce que l’État soutienne la relance des centres-villes.
Le sondage Léger Marketing a été réalisé sur le Web auprès d’un échantillon représentatif de 1 006 Québécoises et Québécois parlant français ou anglais, âgés de 18 ans ou plus, entre les 30 et 31 mai 2020.
Sainte-Julie
« Les municipalités redynamisent déjà leur centre-ville. Mais il y a toujours ce phénomène d’achat en ligne qui n’aide pas nos commerçants. C’est malheureusement quelque chose qui est là pour durer. Il y a des commerces qui ne rouvriront pas », nous indique la mairesse de Sainte-Julie et présidente de l’Union des municipalités du Québec (UMQ),Suzanne Roy.
Elle est consciente qu’avant la COVID-19, les commerçants avaient déjà eu à affronter l’arrivée des grands centres commerciaux et avaient réussi à créer une offre de service différente. « Cette fois-ci, combien de commerces passeront à travers? »
Elle souligne cependant que cette étude a été faite lors de la pandémie. « Il est évident que les gens ne fréquentaient pas leur centre-ville; tout était fermé. »
Si la vitalité des villes est en danger, leur santé financière est aussi à regarder de près. Les taxes de mutation, les fonds de pension, le report du paiement de taxes, les contraventions : tout cela représente des revenus en moins pour les municipalités.
« Nous sommes en discussion avec le gouvernement, qui est conscient qu’il faut aider les municipalités. Nous n’avons pas encore reçu d’aide en ce moment », de conclure Mme Roy.
Saint-Bruno-de-Montarville
Pour le maire de Saint-Bruno, Martin Murray, les gens ont envie de se retrouver et l’animation des centres-villes, dont celui de Saint-Bruno, reprendra. « Nous avons l’esprit grégaire. Les gens ont besoin de sortir de chez eux. Les citoyens reviendront rapidement fréquenter le centre-ville. »
Il ne cache pas cependant que le centre-ville de Saint-Bruno aura un immense défi. « La fermeture du restaurant La Rabastalière a été pour moi un immense choc. On vient de perdre un joyau à Saint-Bruno. Quand je suis arrivé dans cette ville, il y avait une grande diversité commerciale. Tout cela a fini par disparaître et a été remplacé par des commerces allant plus vers l’expérience que vit le client. Notre centre-ville doit développer un commerce de niche qui procure une expérience d’achat. Pour renforcer notre centre-ville, il faut le densifier. Le projet COGIRparticipe à ça, comme le complexe sportif s’il est construit au centre-ville. »
Il est conscient que la Ville doit être un animateur qui travaille en collaboration avec les commerçants.
Sur le plan financier, Saint-Bruno n’aurait pas à s’inquiéter sur l’avis du maire. « Nous avons des pertes de revenus avec les activités de loisirs, mais elles ne sont pas très élevées. Saint-Bruno avait de bonnes réserves. D’autres villes seront dans une situation beaucoup plus pénible que la nôtre. »
Saint-Basile-le-Grand
Pour Saint-Basile-le-Grand, la vitalité du cœur villageois est aussi au centre des préoccupations de son maire, Yves Lessard. « Il faut que l’on prenne conscience qu’on a tout intérêt à favoriser l’achat local », indique-t-il au journal.
Une vidéo sera diffusée par l’ensemble des maires de la Vallée-du-Richelieu, des députés de la MRCet de la MRCelle-même pour encourager les citoyens à faire vivre leurs commerçants. « Nous avons appelé cette campagne de sensibilisation À vos masques, prêts, partez. Elle sera diffusée sur les sites des villes à l’antenne de TVR9. Il faut que l’on réunisse les commerçants, car la solution doit être définie par eux. »
Beaucoup d’efforts ont été déployés pour réaménager le cœur villageois, ces derniers temps, à Saint-Basile. Les activités seront redirigées vers le secteur pour tenter de le dynamiser encore plus, mais après la pandémie, ce sera l’heure de faire les comptes. « Il y a certaines villes qui passeront cette crise sans trop de problèmes. Pour nous, la facture risque d’être lourde », conclut M. Lessard.