Le cygne noir

Pierre Laurence sait qu’il est laid. Comment pourrait-il l’ignorer? Chaque jour, elle, sa mère, se plaît à le lui rappeler. Et elle s’y connaît, celle-là. Star de cinéma adulée, déesse du grand écran, des beaux, elle en côtoie. Devant une mère sublime, la conclusion s’impose : c’est à son père que le fils doit ce physique ingrat. Or, elle, sa mère, ne lui a jamais révélé l’identité de ce dernier. Qu’à cela ne tienne : il la découvrira.

La quête du père est l’un des thèmes de prédilection de Robert Sabatier, à qui l’on doit le touchant La mort du figuier et le magnifique Les allumettes suédoises dont l’écriture constitue, tout comme ici, une source de plaisir jamais démenti. Des phrases souvent courtes rythment Le cygne noir qui, une fois traversées la quelque dizaine de pages un peu longuettes du début, se lit rapidement tant l’intrigue nous emporte et les personnages nous importent.

Pierre, qui s’est laissé pousser la barbe « pour cacher sa vilaine tronche », quitte donc la Suisse et la maison « familiale » – façon de parler – pour débusquer ce père. Au bout de quelques pérégrinations, il fera la connaissance d’un très bel homme, mystérieux comme il se doit, dont on devinera qu’il est la personne recherchée. Vivant dans une maison de campagne, il est marié à une pianiste de renom et il a une très jolie et très excentrique fille qui serait du coup la demi-sœur de Pierre. Mais l’est-elle? Parce que ce père est-il le bon? Le suspense grandit, le mystère s’épaissit jusqu’à la découverte finale. Double, celle-là.

Raconté avec détachement et légèreté, ce qui lui confère une redoutable efficacité, Le cygne noir, sous des allures de comédie dramatique, tient plus de la tragédie. Mais cela, on ne s’en rend compte qu’après.

 

Le cygne noir de Robert Sabatier, est disponible à la bibliothèque