Des odeurs qui dérangent à Saint-Basile-le-Grand
Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) a été avisé la semaine dernière par une vingtaine de signalements et de plaintes à propos d’odeurs à Saint-Basile-le-Grand. La présence de matières résiduelles fertilisantes sur des terres agricoles serait en cause.
Jusqu’où ces odeurs ont-elles été perçues? Les Grandbasilois dans le secteur des maisons mobiles ont certes été dans les premiers à percevoir les effluves nauséabonds. Les automobilistes sur la route 116 ont pu en renifler quelques émanations aussi. Des citoyens du quartier des Oiseaux ont émis quelques commentaires sur les désagréments. Sur les réseaux sociaux, les commentaires à propos des odeurs se sont accumulés depuis la semaine dernière.
Les 6 et 7 octobre derniers, tard en soirée, notre journaliste en a ressenti les odeurs également. Une sorte de brouillard recouvrait une section de la route 116, à la hauteur du rang des Trente. C’est dans ce brouillard que l’odeur était la plus forte.
« Ça arrive parfois qu’il y a de l’autocombustion. » -Michel St-Germain
À la suite de « plusieurs dizaines de plaintes », la Ville de Saint-Basile a réagi une première fois le 12 octobre par voie de communiqué. « De nombreux citoyens ont contacté la Municipalité relativement à une forte odeur à proximité de la route 116 et dans quelques secteurs résidentiels. La Ville a fait les vérifications requises et a dénoté la présence de matières résiduelles fertilisantes sur un terrain agricole privé. Les autorisations et la gestion complète de l’entreposage ou de l’épandage sont effectuées par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) », peut-on lire dans la publication de la Municipalité.
« Quand c’est rendu que l’on m’appelle chez moi, c’est parce que ça déborde à la mairie », mentionne au journal le maire de Saint-Basile, Yves Lessard, pour témoigner du nombre élevé d’appels que la Ville a géré au cours des derniers jours sur le sujet.
Saint-Basile a déposé une plainte auprès du MELCC en réponse aux inquiétudes soulevées par ses citoyens.
Le 12 octobre, c’est aussi à cette date que des vidéos ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. Quelques citoyens ont découvert l’origine des odeurs. Ils ont filmé la scène pour la partager sur Internet.
Depuis, de la chaux a été étendue sur les amoncellements de matières résiduelles fertilisantes (MRF) afin d’atténuer les odeurs. Les commentaires et les plaintes se sont estompés en même temps que les odeurs.
Puis le MELCC est venu inspecter les lieux pour en savoir plus sur la cause de cette perturbation. « Le ministère a reçu une vingtaine de signalements de citoyens concernant la présence d’odeurs à Saint-Basile. Une inspection a été réalisée. Des vérifications complémentaires sont en cours », s’est contenté de répondre le porte-parole régional du MELCC, Frédéric Fournier.
Le journal Les Versants s’est rendu sur le terrain et a rencontré le producteur agricole dont une partie des terres a reçu ces MRF. Celles-ci sont composées des boues d’épuration provenant des usines de traitement des eaux usées municipales et industrielles, aussi appelées biosolides, et d’autres MRF. Par exemple, les poussières de cimenterie, les cendres de bois industrielles, les composts urbains.
Éventuellement, elles seront étendues au sol. Ou déplacées, selon la réponse du MELCC. Le producteur qui s’est confié au journal préfère conserver l’anonymat. « C’est d’ici que provient une partie de la source des odeurs. Je comprends les plaintes qui arrivent du secteur des maisons mobiles et au-delà. L’odeur suit le vent. Mais je ne fais pas ça pour déranger. Je ne sais pas pourquoi la matière a dégagé une telle odeur », se défend l’homme. Il ne s’explique pas la senteur.
À proximité, l’odeur est d’ailleurs encore présente par moments. « Cette odeur, ça agresse les poumons », s’est exprimé Yves Lessard, qui était aussi sur place lors de la rencontre. Les émanations se sont intensifiées lorsqu’une fine pluie s’est mise à tomber, vendredi dernier.
Des dizaines de firmes spécialisées recueillent et véhiculent les boues des usines de traitement pour les déplacer dans les champs des agriculteurs qui en font la demande. Dans le cas présent, c’est la firme Viridis, basée à Mont-Saint-Hilaire, qui s’est occupée de traiter les boues d’épuration et de les déposer dans le champ de ce producteur agricole. Le journal a contacté Viridis pour en savoir davantage dans ce dossier. « Nous sommes dans la première année d’opération d’utilisation par rapport à ce produit », répond le vice-président aux opérations de Viridis, Michel St-Germain. Selon lui, c’est le seul cas provenant de Viridis qui a occasionné des plaintes pour de telles odeurs.
Dans le champ à Saint-Basile, la matière en question se présente sous forme de granules. Maintenant, pour expliquer l’odeur, M. St-Germain évoque l’autocombustion. On parle ici de séchage de matières organiques. « Les boues d’épuration, ou boues solides séchées et granulées – on parle de merde humaine comme matière. Ça arrive parfois qu’il y a de l’autocombustion. Donc, de la fumée ou un début d’incendie, c’est possible », commente le représentant de Viridis. Ce qui expliquerait peut-être la présence de brouillard (en réalité de la fumée) sur la route 116 les soirs des 6 et 7 octobre…
Il poursuit : « C’est une réaction connue dans le milieu des engrais organiques. On voit cela aussi avec le fumier de volaille. C’est séché à haute température à l’usine. Est-ce que les granules étaient trop chaudes? C’est ce qui semble être arrivé avec ce produit. La matière a drôlement réagi. » M. St-Germain évoque aussi la possibilité qu’une réaction microbiologique était encore en activité lors du transport vers Saint-Basile.
Enfin, la température pourrait également avoir joué un rôle dans la réaction, d’après Michel St-Germain. Il précise : « C’est une situation qui est propice avec la chaleur. Nous avons connu du hors normes quant à la météo dernièrement, ça n’a peut-être pas aidé. Une matière très sèche avec l’humidité élevée. C’est un produit si sec, parfois, même une pluie passagère peut créer une réaction. »
Viridis effectue un suivi avec son client, le producteur agricole. L’entreprise lui a d’ailleurs demandé d’épandre la matière en semaine plutôt que la fin de semaine afin d’éviter les inconvénients auprès de la population. Mais avant l’épandage, le MELCC devra d’abord rendre son verdict. Un dossier à suivre…