Pourquoi des profs poursuivent leur mission

Il y a pénurie d’enseignants dans les écoles du Québec. Certains partent à la retraite ou abandonnent l’aventure, alors que d’autres poursuivent leur mission, malgré la tourmente. 

« Quand tu as la fibre de l’enseignement, il y a beaucoup plus de satisfaction qui en ressort que d’insatisfaction », laisse tomber Jade Picard, en entrevue avec Les Versants. Cette Montarvilloise enseigne depuis 25 ans.  

L’enseignante a toujours eu une passion pour transmettre en général. Elle a accumulé les emplois dans l’enseignement : professeur de natation, de premiers soins… « Le métier d’enseignante en fait partie. »

Si Jade Picard poursuit sa mission, c’est entre autres parce qu’elle a encore le feu sacré. « Je suis en pré-retraite à quatre jours par semaine. C’est un avantage, pas permis à tout le monde, mais qui facilite ma motivation à rester encore », admet celle qui passe ses journées avec des petits de maternelle à l’école Albert-Schweitzer, à Saint-Bruno-de-Montarville.  

Une autre enseignante, qui témoigne de façon anonyme, dit être sur son X quand elle est dans une classe. C’est ce qu’elle confie au journal lorsqu’on lui demande pourquoi elle continue d’enseigner aux enfants. « J’ai encore la passion parce que je sens que mes élèves aiment apprendre, qu’ils aiment venir à l’école et que mon lien avec eux est signifiant dans leur parcours. Je sens que je fais la différence, que je les marque », explique celle qui enseigne à Saint-Basile-le-Grand.  

Elle poursuit : « Quand les élèves entrent dans ma classe, je veux qu’ils soient heureux et qu’ils en ressortent tous les jours un peu changés. Je sens que je ne pourrais pas mieux contribuer à la société qu’en étant enseignante. » 

« Il y a beaucoup plus de satisfaction qui en ressort que d’insatisfaction. » – Jade Picard

Une autre enseignante de 6e année à Sainte-Julie, qui préfère aussi conserver l’anonymat, cite Nelson Mandela pour expliquer pourquoi elle reste en place. « « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde ». Je crois fermement à cette citation. Les enfants sont nos adultes de demain. [C’est] mon devoir comme enseignante de les instruire sur les enjeux environnementaux, politiques et sociaux; de les former pour être des citoyens responsables et impliqués; puis de leur donner des stratégies pour mieux socialiser et de leurs offrir des moyens pour mieux gérer leurs émotions », mentionne-t-elle.   

Ce qu’elles en pensent

Quand on leur demande pourquoi certains collègues abandonnent le bateau, elles écorchent un peu le système. « Je comprends qu’avec les dernières années, on a favorisé l’intégration d’enfants qui ont des défis comportementaux et d’apprentissages. Les mesures d’appui ne sont pas toujours au rendez-vous. Je comprends ceux et celles pour qui ça demande plus d’énergie que ça en donne », exprime Mme Picard.

Selon une autre professeure, c’est la lourdeur de la tâche qui irrite et qui fait en sorte que les collègues viennent à bout de leur passion pour l’enseignement. « On nous en demande toujours plus et on n’a pas beaucoup de ressources humaines. Je ne connais pas beaucoup d’enseignants qui ne dépassent pas leurs heures de travail; mais nous ne sommes pas rémunérés pour ce temps supplémentaire. Les groupes sont plus complexes, les besoins sont donc grandissants », partage-t-elle.  

Pour l’enseignante de Sainte-Julie, le problème vient du manque de ressources d’orthophonistes, de psychologues, de techniciennes en éducation spécialisée, d’orthopédagogues et de psycho-éducateurs. « Les classes dites « ordinaires » ne sont plus ordinaires. Plusieurs enfants sont intégrés dans les classes régulières, mais nous manquons de ressources pour répondre à leurs besoins et les aider. Il y a plusieurs enfants avec un plan d’intervention dans les classes », affirme celle qui enseigne depuis une dizaine d’années.  

Selon son expérience personnelle, ce serait près d’un enfant sur trois qui possède un plan d’intervention rendu au 3e cycle. On parle de troubles d’apprentissage (dyslexie, dyspraxie, dysphagie, dyscalculie) et/ou de troubles de comportement, trouble d’opposition avec provocation, trouble d’attention avec ou sans hyper activité, trouble anxieux… « Bref, les classes sont trop lourdes à gérer pour un seul adulte! »