Portrait d’une crise 

Si les hausses importantes de loyer, les phénomènes comme les « réno-évictions » et le faible taux d’inoccupation peuvent témoigner à l’appui d’une crise de logement pour les locataires, qu’en est-il pour les futurs propriétaires?

En cette période de renouvèlement de baux, plusieurs enjeux liés aux logements locatifs font surface. Le Comité logement Rive-Sud (CLRS), un organisme œuvrant pour la défense des droits des locataires en Montérégie, réagit à la situation et signale l’explosion de la demande pour ses services. 

Taux d’inoccupation

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) dévoilait dans son tout dernier rapport sur le marché locatif que le taux d’inoccupation actuel au Canada, soit de 1,5 %, est le plus bas enregistré dans son histoire. 

Dans le plus récent rapport de l’Observatoire CMM sur les grands indicateurs du logement locatif dans le grand Montréal, les ménages locataires représentent 23 % de l’ensemble des ménages de la Rive-Sud. Le taux d’inoccupation, pour tous types de logements confondus, est de 0,3 % pour ce secteur.

De plus, lorsqu’on parle d’un logement de trois chambres et plus, le taux baisse à 0,1 %, exposant les familles nombreuses à un niveau de précarité élevé.

Selon Marco Monzon, directeur général du CLRS, le taux d’inoccupation est une donnée criante démontrant la réalité quantifiable de la crise du logement. Toutefois, il remarque que d’autres « facteurs de vulnérabilité » brossent le portrait d’une crise sociale qui « n’a pas tendance à ralentir ».

Décrire la crise actuelle

« De 2018 à 2023, on note une augmentation de 154 % du nombre d’appels », révèle M. Monzon. Selon lui, cette augmentation massive s’explique par une « hausse des pratiques abusives » de la part des propriétaires, accentuant par le fait même « la complexité des cas ».

« La crise du logement aujourd’hui, c’est l’élargissement de la population dite vulnérable, la détérioration généralisée de la qualité de vie des ménages [et] l’augmentation de drames sociaux pour les personnes qui étaient déjà très vulnérables », synthétise le directeur général. « [Le logement], c’est un droit fondamental. C’est dommage que ce soit traité comme une marchandise actuellement », convient-il. 

» C’est plus difficile de devenir propriétaire aujourd’hui. » – Benoît Longpré

Et pour les acheteurs?

« L’offre et la demande, la hausse des prix ainsi que le taux d’intérêt actuel font très mal », soutient Benoît Longpré, un courtier immobilier de l’agence RE/MAX Actif basée à Saint-Bruno-de-Montarville.

« C’est plus difficile de devenir propriétaire aujourd’hui. La dette est plus élevée qu’avant pour les premiers acheteurs », admet M. Longpré, qui utilise ses 15 ans d’expérience pour comparer. « C’est certain que la pandémie n’a pas aidé, mais je me souviens qu’en 2019, il y avait beaucoup d’offres multiples sur des propriétés dans le secteur. On remarquait déjà que l’augmentation [des prix] sur le marché immobilier n’était pas proportionnelle avec l’augmentation des salaires. »

Selon lui, l’usage de propriétés pour en faire « des locations à court terme de type Airbnb » contribue également à la crise actuelle pour les locataires, mais aussi pour les acheteurs. Ces derniers seraient de plus en plus victimes d’une diminution à la fois de leur pouvoir d’achat et de l’offre, limitant leurs choix pour une première maison.

Des solutions

« Notre cheval de bataille, c’est vraiment de défendre le besoin pour des logements sociaux », soutient le directeur du CLRS. « Selon nous, c’est l’une des principales solutions à la lutte contre la pauvreté. Ce type de logement mettrait un stop aux aberrations que l’on voit pour faire toujours plus de profit sur le marché actuellement », estime M. Monzon. 

Le directeur nous parle du service d’information juridique du CLRS : « On ne fait pas de conseil juridique, nous ne sommes ni avocats, ni notaires. On informe les locataires de leurs recours en se référant au Code civil et aux lois », précise-t-il. Il explique que plusieurs locataires n’ont pas connaissance de leurs recours et qu’ils attendent souvent de ne pas avoir d’autres options pour chercher de l’aide. « On offre une assistance parce que ce sont des démarches qui peuvent être très anxiogènes face à une machine qui s’avère souvent aliénante », ajoute-t-il. 

Il considère également que le fait de s’impliquer dans cette cause sociale et de sensibiliser la population en participant à des moyens de pression est aussi une approche faisant partie de la solution. Pour les locataires dans le besoin, ces actes leur permettent de se sortir de leur sentiment d’impuissance face aux injustices.