Formation à distance : Difficile de s’y retrouver

L’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) a rendu public son rapport sur la formation à distance dans le système collégial. Le constat est que Québec manque d’organisation et de ressources pour développer ce service aux étudiants.

Le rapport de l’IRÉC s’intitule L’offre de formation à distance au collégial : état des lieux et enjeux socioéconomiques. L’étude n’est pas tendre envers Québec en montrant que la stratégie gouvernementale sur la formation à distance manque de cohérence et qu’une certaine improvisation règne quant à son déploiement.

« Tout au long de cette étude, j’ai été estomaqué par l’aspect irrégulier et incomplet des données gouvernementales à propos de l’enseignement à distance. Encore à ce jour, il n’y a pas de liste complète ni de répertoire exhaustif de l’offre de formation à distance au Québec. C’est très préoccupant sur le plan de la gestion des fonds publics et de la reddition de comptes », indique Éric N. Duhaime, auteur de l’étude et chercheur à l’IRÉC.

Pourtant, le gouvernement a déjà investi 1,2 milliard dans une stratégie numérique en éducation et en enseignement supérieur et 58 millions en formations à distance « Sans bien en connaître les tenants et les aboutissants? », de se questionner M. Duhaime.

Concurrence malsaine

L’auteur du rapport craint que ce manque de cohérence et d’organisation au sein du gouvernement puisse desservir les étudiants qui n’ont d’autres options que de suivre un enseignement à distance, ainsi que l’existence même des cégeps en région. « À terme, une approche incohérente créerait une concurrence malsaine entre les établissements collégiaux qui favoriserait les grandes institutions montréalaises au détriment des cégeps en région », de souligner Robert Laplante, directeur général de l’IRÉC. Ultimement, cela pourrait entraîner un gaspillage de ressources et avoir un effet déstructurant sur le réseau collégial, avance l’étude.

« Tout au long de cette étude, j’ai été estomaqué par l’aspect irrégulier et incomplet des données gouvernementales. » – Éric N. Duhaime

« Le gouvernement s’appuie, pour financer les cégeps, sur le nombre d’étudiants qui y sont inscrits, y compris les élèves qui suivent un enseignement à distance. Aujourd’hui, il peut y avoir le même programme enseigné à distance pour 18 établissements différents. Ce n’est pas nécessaire. Il faut coordonner tout cela. Depuis la pandémie de COVID-19, il y a de plus en plus de cégeps qui proposent cette forme d’enseignement, y compris à Montréal », d’indiquer M. Duhaime. 

En 2023, le gouvernement du Québec mettra en place son initiative de Campus numérique. Une plateforme qui servira de vitrine pour tous les programmes d’enseignement à distance offerts. Une initiative qui doit être améliorée pour ne pas empirer la situation, selon le chercheur. « Ce chantier pourrait bien être » un éléphant qui accouche d’une souris « , puisque le projet de Campus numérique se contentera de jouer le rôle d’une vitrine plutôt que de jouer un rôle structurant. Il suffira de cliquer sur le programme que l’on souhaite pour être redirigé vers le site du cégep qui le propose. L’information viendra de l’établissement, pas du gouvernement. Par le biais de demandes d’accès à l’information, nous avons appris que le ministère de l’Enseignement supérieur ne disposait d’aucun document comparant les coûts d’une formation à distance à ceux d’une formation en présence. C’est particulièrement étonnant quand on sait que les investissements dans la formation à distance sont souvent justifiés en faisant miroiter de prétendues économies », s’est étonné M. Duhaime. Tout cela est sans compter sur la charge de travail additionnelle qu’apporte l’enseignement à distance aux enseignants.

Confusion pandémique

Tandis que la récente pandémie a favorisé une explosion de l’offre de formation à distance, une confusion semble s’être installée à propos de son rôle dans le système collégial. Le rapport montre que cette confusion renvoie à un biais idéologique au cœur de la stratégie gouvernementale, laquelle présente les transformations technologiques comme une fatalité et l’enseignement à distance comme une fin en soi : » Il faut réitérer que l’offre de formation à distance doit permettre d’accroître l’accessibilité aux études et non pas de se substituer à l’enseignement en présence. De même, la technologie doit être à notre service et non l’inverse « , conclut M. Duhaime.