Bureau ou télétravail?

Depuis la pandémie, le télétravail est devenu une pratique courante. Est-ce une bonne chose?

Valérie Martin, directrice générale pour une entreprise experte en gestion des ressources humaines à Sainte-Julie, et le professeur de sociologie de l’Université du Québec à Montréal, Sid Ahmed Soussi, nous renseignent sur le sujet.

« C’est certain qu’il y a des avantages à ce mode de travail, comme la réduction des coûts et du temps de déplacement pour les employés, la réduction des coûts des infrastructures pour les employeurs, la flexibilité pour la conciliation travail-famille. Mais il y a aussi des désavantages. Nos clients nous parlent notamment de la synergie au sein de l’équipe qui en prend un coup. L’appartenance à l’entreprise est amoindrie également », mentionne Mme Martin.

« Le travail n’est pas seulement conditionné sur les tâches que l’on exerce, mais aussi sur les interactions humaines. » – Sid Ahmed Soussi

Temporalité

« Le télétravail a changé les temporalités. Les frontières entre la vie privée et le travail ont éclaté. Il y a des effets pervers liés à cela. Les gens ont tendance à travailler davantage, et notre rapport au travail a changé. Le collectif du travail, c’est-à-dire les interactions que nous avons avec les autres et les liens sociaux tissés au bureau font partie intégrante de l’épanouissement au travail, explique M. Soussi.

Le travail n’est pas seulement conditionné sur les tâches que l’on exerce, mais aussi sur les interactions humaines. Le télétravail a supprimé le côté social du travail, ce qui fait en sorte qu’il reste seulement les tâches et la performance. Ce n’est pas par le biais de Zoom ou de Microsoft Teams que nous pouvons tisser des liens sociaux. »

L’absence d’interactions sociales entraîne des effets négatifs, comme le taux de roulement qui s’accentue. « Comme il n’y a plus de tissu social, il n’y a plus de liens sociaux solides au travail. Il n’y a pas de sentiment d’appartenance. Travailler pour une entreprise ou pour une autre, ça ne fait plus aucune différence », mentionne le professeur en sociologie de l’UQAM.

Modèle hydride

« Selon moi, le télétravail est là pour rester. De mon expérience, le modèle hydride (deux ou trois jours au bureau par semaine) est l’idéal. On garde les avantages des deux modèles », confie Mme Martin. En novembre 2023, un canadien sur cinq occupait un poste en télétravail.

« Le télétravail est un phénomène encore très présent. Le modèle hybride pourrait permettre un équilibre, mais il ne suffit pas de passer deux jours au bureau, l’employeur doit trouver une compensation sociale. Il doit mettre en place des activités pour reconstruire le collectif du travail », indique M. Soussi.

Employeur

« Le fait que le travail s’effectue à l’extérieur du bureau ne dispense pas l’employeur de son devoir d’encadrement et de supervision de ses employés. Il doit s’assurer que le lieu de télétravail est adéquat, qu’il soit ergonomique, par exemple. Nous conseillons à nos clients de faire une liste de vérifications à donner à l’employé pour s’assurer de la sécurité des lieux. Est-ce que l’endroit est équipé de détecteurs de fumée? Est-ce qu’il y a des rampes aux escaliers? L’employeur a un devoir de corriger les risques qui sont rattachés au lieu de télétravail de l’employé », indique la directrice générale.

Supervision

Valérie Martin a observé de nombreux cas d’employés déloyaux qui occupaient deux emplois à temps plein en travail simultanément. « Un employeur qui offre un salaire pour un emploi de 37,5 heures par semaine est en droit de s’attendre à ce que l’employé travaille ce nombre d’heures et qu’il accomplisse les tâches liées à son poste. Les employeurs doivent assurer une supervision. Il existe des logiciels de surveillance à cet effet », explique Mme Martin.

Toutefois, M. Soussi observe qu’il y a beaucoup plus de cas de personnes qui travaillent davantage que le phénomène inverse. « Le rendement et la performance sont des éléments qui se sont renforcés avec le télétravail. Cela amène un stress chez les travailleurs et les entraîne à travailler davantage. »