Saint-Bruno privée de 3 M$

La Municipalité de Saint-Bruno-de-Montarville se prive de plus de trois millions de dollars par année en raison des compensations tenant lieu de taxes.

L’implantation du futur laboratoire serveur du CISSS de la Montérégie-Centre, une institution gouvernementale, sur le territoire de Saint-Bruno-de-Montarville permettra à la Ville de récupérer une compensation tenant lieu de taxes.

C’est que les immeubles qui appartiennent à l’État ou faisant partie des réseaux de l’éducation et de la santé et des services sociaux, tel le futur laboratoire serveur de la Montérégie, sont non imposables aux fins de la taxation municipale.

Toutefois, ils font l’objet de compensations tenant lieu de taxes versées par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH).

Ainsi, au moment d’écrire ces lignes, la compensation tenant lieu de taxes que Saint-Bruno-de-Montarville devrait obtenir pour l’arrivée du projet Optilab est difficile à évaluer. « Nous l’ignorons pour le moment. L’évaluation du terrain est à deux millions de dollars, mais quelle est la valeur du bâtiment? Nous ne la connaissons pas encore », commente le maire de la Ville, Ludovic Grisé-Farand.

Le journal Les Versants a appris qu’une compensation tenant lieu de taxes d’une valeur de 80 000 $ est versée à la Ville pour le Centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) de Montarville. Mais si le CHSLD était catégorisé commercial ou entreprise, ce sont quelque 300 000 $ par année que Saint-Bruno recevrait.

Le même principe s’applique pour d’autres édifices, comme les écoles, les centres de la petite enfance, le bureau de poste,… Par exemple, l’un des CPE qui a pignon sur rue à Saint-Bruno-de-Montarville permet à la Municipalité de récupérer 9700 $… plutôt que 35 000 $. « C’est aussi le cas du parc national du Mont-Saint-Bruno. Je regarde ici… et Saint-Bruno reçoit 20 700 $ plutôt que 679 000 $. Les gouvernements provincial et fédéral ne paient pas le même genre de taxes que les entreprises et les commerces lorsqu’ils s’implantent dans une municipalité. La »taxe » qu’ils paient se nomme »compensation tenant lieu de taxes », mais ils ne paient pas autant que si c’était une taxe régulière. Nous perdons ainsi trois millions de dollars par année », mentionne Ludovic Grisé-Farand.

Le MAMH envoie à Saint-Bruno-de-Montarville un montant de 714 000 $ en compensations tenant lieu de taxes. Autrement, c’est une somme approximative de 3 700 000 $ que la Ville récupèrerait en taxes. « C’est un manque à gagner énorme », estime le maire, qui reconnaît du même souffle que Saint-Bruno se débrouille tout de même bien. « Mais si nous avions 3 M$ par année de façon récurrente, ça change la donne pour la réalisation de super-projets et en taxation. Année après année, la hausse de taxes aux citoyens ne surpasserait pas l’inflation. »

« C’est un manque à gagner énorme. » -Ludovic Grisé-Farand

Calcul hypothétique

Mais la directrice du Service des communications à Saint-Bruno, Manon Lacourse, émet un bémol. « Ce calcul est hypothétique et réalisé en comparaison avec le montant qui serait reçu par la Ville si tous ces édifices/sites étaient taxés au tarif non-résidentiel de
2,558421 $ / tranche de 100 $ d’évaluation. »

Le premier magistrat soutient qu’il y a des demandes de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et des villes qui reviennent souvent afin que le gouvernement paie sa juste part de revenus pour venir en aide aux municipalités. « Si le gouvernement payait au moins la moitié, ce serait déjà super pour nous! »

Sainte-Julie

Sainte-Julie ne souhaite pas effectuer ce « calcul hypothétique ». Toutefois, quelque 118 000 $ n’entrent pas dans les coffres de la Ville en raison des compensations tenant lieu de taxes.

« Les compensations du gouvernement provincial concernent les sept écoles primaires du territoire, l’école secondaire et le centre de formation professionnelle, ainsi que les CPE. Nous recevons aussi une compensation du fédéral pour le terrain de la Défense nationale, situé près du mont Saint-Bruno », précise la directrice du Service des communications de Sainte-Julie, Julie Martin. La Municipalité reçoit du MAMH quelque 602 000 $ en compensations tenant lieu de taxes, au lieu de 720 000 $.

Dans ce cas, pourquoi avoir accepté le projet Optilab?

Un édifice gouvernemental est non imposable aux fins de la taxation municipale. Pourquoi alors Saint-Bruno-de-Montarville a-t-elle approuvé le projet de laboratoire serveur du CISSS de la Montérégie-Centre en octobre 2019?

La question mérite d’être posée. Puisque Saint-Bruno-de-Montarville, qui a autorisé la venue d’une institution gouvernementale au détriment, par exemple, d’une entreprise, se prive de récolter 100 % des taxes.

« Il y avait une portion altruiste à cette décision. Une bonne action », reconnaît le maire de Saint-Bruno-de-Montarville, Ludovic Grisé-Farand.

C’est que les immeubles appartenant à l’État ou faisant partie des réseaux de l’éducation et de la santé et des services sociaux font l’objet de compensations tenant lieu de taxes versées par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH).

« Il y avait une portion altruiste à cette
décision. » – Ludovic Grisé-Farand

À l’époque, en 2019, le conseiller indépendant du district 7, Jacques Bédard, ne voyait pas le projet d’un bon œil. « On aurait pu vendre à une entreprise privée et récolter 100 % des taxes », disait-il alors.

En entrevue avec Les Versants, Ludovic Grisé-Farand confirme. « Le conseil n’était pas obligé d’accepter. Moi-même, j’avais des réserves, comme d’autres élus. Cependant, ils semblaient désespérés pour trouver un terrain. L’aspect création d’emplois – beaucoup d’emplois de qualité – et le service offert ont penché dans la balance. La Ville avait approuvé, mais ce n’est pas dans nos plans d’accepter ces établissements, en raison de son impact financier. »

Rappelons que le futur laboratoire serveur de la Montérégie du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre – le projet Optilab – s’implantera dans le parc d’affaires Gérard-Filion, plus précisément au bout de la rue Parent.

Les travaux de construction doivent s’amorcer en mars. Le bâtiment aura une superficie d’environ 6130 m² et sera construit sur deux étages. Les travaux se poursuivront jusqu’en janvier 2025. Le début des activités est prévu pour l’automne 2025. On parle d’environ 250 emplois.

Le coût total de ce projet est évalué à 91,2 M$, financé par le ministère de la Santé et des Services sociaux, conformément aux investissements prévus dans le cadre du Plan québécois des infrastructures. Le choix du terrain pour le laboratoire serveur, à Saint-Bruno-de-Montarville, a été établi selon des critères définis dans un appel d’offres afin de répondre aux besoins des laboratoires de la Montérégie.