Le pape François au Québec
Le pape François est en visite au Canada du 24 au 29 juillet, dont un passage à Québec du 27 au 29 juillet. Le journal Les Versants en discute avec le docteur (Ph.D.) en Études du religieux contemporain, le Montarvillois Réal Houde.
Propos recueillis par Frank Jr Rodi
frodi@versants.com
Les Versants : Le pape François est de passage au Canada pour offrir des excuses aux communautés autochtones; que pensez-vous du motif de cette visite?
Réal Houde : C’est unique dans l’Histoire, avec un grand H, qu’un chef religieux, doublé d’un chef d’État, car le Vatican est un État, prenne la peine, le temps et le risque de se rendre dans un autre pays pour effectuer une démarche pénitentielle (une demande de pardon). Sa visite revêt une profondeur historique indéniable. Ce voyage sera apprécié et critiqué. Les adversaires de l’Église catholique n’y verront qu’un aveu de culpabilité et un renforcement de leurs convictions alors que les catholiques pratiquants verront dans ce voyage une preuve de la valeur de cette religion. Notons ce qui suit : A contrario, la Reine d’Angleterre, chef en titre du Canada, et responsable ultime de l’Église anglicane, n’a pas pris la peine de faire la même chose. N’oublions pas que les sévices ont été infligés aux enfants autochtones dans des institutions catholiques (francophones et anglophones) et anglicanes (anglophones). Dans l’avion, le pape a réitéré aux journalistes que la démarche est claire : voyage pénitentiel, pour rencontrer des membres des Premières Nations.
Croyez-vous que les excuses du pape suffiront; ses excuses seront-elles acceptées par les Premières Nations?
Je pense qu’il est encore trop tôt pour voir l’effet des excuses. Toutefois, je crois que plusieurs membres des Premières Nations accepteront ces excuses. De voir un homme de cet âge, chef de l’Église catholique, accepter de se rendre auprès d’elles et d’eux pour vivre un tel moment, je pense que cela force le respect. Bien sûr, pour certaines personnes, ce ne sera jamais assez, mais c’est ainsi un peu tout le temps, peu importe la situation. Dans les prochains jours, nous verrons l’impact de ce voyage papal.
Pourquoi un passage à Sainte-Anne-de-Beaupré; qu’est-ce qui donne à ce lieu son aspect mythique?
Cette église fait partie de l’histoire du Québec comme lieu de pèlerinage traditionnel à Sainte-Anne. La tradition remonte avant la création de cette basilique, dès les débuts de la Nouvelle-France. Pour les Premières Nations, le lien généalogique est important, notamment par le culte des ancêtres et la place réservée aux anciens et aux anciennes. Sainte-Anne, c’est la grand-mère de Jésus. Dès les débuts de la Nouvelle-France, c’est ce personnage qui a été au cœur du lien spirituel entre les Premières Nations et l’Église catholique. Le lien généalogique est au cœur de la spiritualité des peuples anciens et au cœur de l’histoire biblique. Une étude plus approfondie pourrait être intéressante.
« Sa visite revêt une profondeur historique indéniable. » – Réal Houde
Êtes-vous étonné de l’engouement suscité par la visite du pape?
Non. J’étais présent lors de la visite du pape Jean-Paul II en 1984 au stade Olympique. C’était assez grandiose, comme ce fut le cas partout sur la planète. Toutefois, cette fois-ci, étant donné le sujet difficile qui sera au cœur de l’événement, je crois qu’une certaine sobriété sera de mise. Ce pape est différent, très sensible à la souffrance humaine. Il pose un geste à la suite des paroles dites aux membres des Premières Nations qui avaient été le rencontrer. Les bottines suivent les babines, comme on dit parfois. Les gens qui n’aiment pas l’Église vont continuer à ne pas l’aimer. Mais, avec un regard basé sur la raison, on ne peut que célébrer un tel moment au cœur d’un processus de réconciliation. Il y a peu d’événements de ce genre dans le monde actuel. Plusieurs personnes semblent touchées par le but de cette visite. Le pape avait, au préalable, reçu des représentants des Premières Nations. Par la suite, il a lancé l’idée d’une telle visite, malgré sa santé chancelante. Beaucoup comprennent le sens de la démarche.
Le pape, plus grand que l’Église?
Ce pape m’apparaît très différent des précédents. Un personnage fort intéressant. Il a pris à bras le corps les problèmes actuels de l’Église catholique (scandales divers, problèmes économiques…). Son histoire est très intéressante. Est-ce que ce Pape est plus grand que l’Église? Non, mais il est en train de modifier substantiellement une certaine manière d’être catholique. L’Église est l’une des seules institutions à avoir traversé les deux derniers millénaires. Des crises ont eu lieu et l’Église a été obligée de modifier sa manière d’être au monde. Ce pape contribue à ces changements. [Réal Houde suggère le film Les deux papes, avec les acteurs Anthony Hopkins et Jonathan Pryce]
Pour ces gens qui se déplaceront pour la messe donnée à Sainte-Anne-de-Beaupré, que retiendront-ils de l’événement, selon vous?
J’espère que beaucoup de places seront occupées par des membres des Premières Nations du Canada… À prime abord, ce serait bien que cette cérémonie soit comme un rite de passage vers une réelle réconciliation, une manière de prendre acte officiellement de ce qui a été, afin de faire advenir une nouvelle relation entre peuples, entre personnes d’univers différents, spiritualités différentes ou concordantes (parfois, il y a plus de choses qui peuvent unir que désunir, question d’intention). Cet événement, selon la perception qu’en auront les gens, pourra être bénéfique quant à l’acceptation des différences socioreligieuses (religions, spiritualités, agnostiques, athées…) dans un monde où nous avons à faire de la place pour toutes et tous. Ceci est bien théorique, mais cette visite – comme geste concret – lance le débat sur la place réservée à ce qui est différent.
QUESTION AUX LECTEURS :
Que pensez-vous de la visite du pape François au Canada et au Québec?