Maria Gerych-Bussière… ou l’Ukraine jusqu’au bout des doigts

Elle a interprété l’hymne national ukrainien le 7 mars dernier, lors de l’assemblée du conseil de Saint-Basile. Entrevue avec Maria Gerych-Bussière.

En guise de soutien à l’Ukraine, la Ville de Saint-Basile a fait appel à la pianiste montarvilloise en début de séance. L’hymne national a été interprété devant le public.

« Ça m’a émue et profondément touchée. J’ai chanté l’hymne national ukrainien toute ma vie, mais c’est la première fois que je le jouais. Je suis fière d’être Ukrainienne », précise Maria Gerych-Bussière, qui se considère à la fois Québécoise et Canadienne. « Ça fait partie intégrante de qui je suis. »

Le choc

La guerre qui a éclaté il y a maintenant plus d’un mois en Ukraine, le pays de sa famille, de ses racines, est une source d’émotions très déstabilisante. « Avant même le début de la guerre, lorsque les convois militaires de l’armée russe se rapprochaient des frontières ukrainiennes, ce danger immense me terrifiait. Quand la guerre a éclaté, j’étais secouée, sous le choc. C’est difficile de comprendre comment une guerre féroce et cruelle peut se produire du jour au lendemain », raconte Maria.

« J’ai chanté l’hymne national ukrainien toute ma vie, mais c’est la première fois que je le jouais. » – Marya Gerych-Bussière

Elle qualifie la situation d’« immensément triste et tragique », puis, songeuse, comme pour elle-même, se demande pourquoi il a fallu une guerre pour que le monde sache qui sont les Ukrainiens.

Quand on lui demande ce qui distingue les Ukrainiens, elle parle des siens comme des gens doux mais forts, résilients et courageux. « Je ne suis pas surprise de voir que l’Ukraine tient encore. Ça démontre notre fortitude morale. Les Ukrainiens ne sont pas des gens belliqueux. Ils ne veulent pas la guerre, mais ils défendront leur terre natale. Cette conception de la terre – du sol qui est porteur de vie -, est au cœur de l’identité ukrainienne », précise la courtière en immobilier de Saint-Bruno.

De la famille en Ukraine

En Ukraine, elle a encore des membres de sa famille proche. Ses cousins, ses cousins germains et les enfants de ses cousins. Ils sont à Lviv et dans les villages environnants. Fuir le pays? « Nous, leur famille et des amis, avons offert de les accueillir, en France et ici, au Canada. Des amis en France leur ont offert de venir dans leur villa. Ils se demandent si oui ou non ils partiront. Les personnes âgées sont intransigeantes et incapables de comprendre un tel déracinement. Les jeunes sont outrés de subir ce qu’ils considèrent une éviction de ce qui leur appartient. Les hommes, eux, doivent et veulent absolument rester », relate-t-elle.

En effet, la mobilisation générale pour les hommes de 18 à 60 ans a été décrétée dès le début de la guerre. Elle reprend : « Pour ces milliers de personnes qui ont été bombardées de leurs maisons et qui doivent décider de fuir, où vont-elles aller? Leur vie est brisée. Elles doivent recommencer. Où iriez-vous si la même chose vous arrivait, ici? »

À deux reprises au cours de l’entretien, Maria insiste sur le fait qu’avant d’être Ukrainienne, elle est d’abord humaine. « Nous sommes tous humains. Nous ressentons les mêmes émotions. Je suis humaine d’abord, avant d’être Ukrainienne. Ce sont les valeurs humaines qui m’importent. »

Profondément émue et secouée. C’est ainsi qu’elle se sent depuis le début de l’invasion russe. Depuis, elle se demande pourquoi cette guerre l’affecte si profondément. Elle évoque ses racines, son héritage culturel, et parle de ses parents. « Mes parents ont vécu la guerre et ils ont vu d’immenses souffrances humaines ainsi que les déplacements que la Deuxième Guerre mondiale a infligés. »

Le baume de la musique

Maria a fait des études en musicologie à l’Université McGill, où elle a décroché un baccalauréat. Elle s’est mariée, puis est allée vivre sept ans à New York, où, en élevant ses enfants, elle a aussi fait des études graduées en musicologie. En revenant au Québec en 1979, la famille s’est installée à Saint-Bruno. « Ma carrière primaire, c’est celle de mère, de bien élever mes enfants. C’était primordial pour moi. Mais aussi de leur transmettre la langue et la culture ukrainiennes. »

Pour elle, la musique calme et aide à gérer les émotions. « C’est ce qui m’a beaucoup aidée depuis le décès de mon conjoint, Louis Descary », dira-t-elle. Aujourd’hui, autre que d’être courtière immobilière, Mme Gerych-Bussière continue de faire partie d’un groupe en tant que pianiste accompagnatrice et comme professeure de piano.

Maria Gerych-Bussière est née à Munich, de parents ukrainiens. Chrystia Kolessa, sa mère, était une violoncelliste ukrainienne, enfant prodige ayant donné ses premiers concerts à l’âge de 7 ans; une artiste virtuose d’un rare talent. Elle est née à Vienne dans une illustre famille ukrainienne. Son père était Oleksander Kolessa, linguiste, poète, historien et leader civique, puis membre du Parlement autrichien lorsque l’ouest de l’Ukraine faisait partie de l’Empire austro-hongrois.

L’arbre généalogique de la famille Kolessa est riche en artistes et en icônes culturelles, dont faisait partie Filaret Kolessa, ethnomusicologue et compositeur, la star de l’opéra Modest Mencinsky, les compositeurs Ivan Lavrivskyj et Mykola Kolessa. La sœur de la mère de Maria, Lubka Kolessa, était une pianiste de renommée mondiale. Le père de Maria, né dans un village d’Ukraine, était un érudit, un écrivain et une autorité en matière d’histoire de l’Église. Au Canada, il a travaillé d’abord comme ouvrier manuel avant de reconstruire sa carrière scolaire universitaire. « Je suis née dans une famille d’icônes culturelles et académiques, commente-t-elle avec le sourire lors de notre entretien. Sans prétention, je suis la plus normale de ma famille. »

Aujourd’hui, Maria et sa famille consacrent leurs efforts pour aider les Ukrainiens. Elle donnera une partie de sa rétribution immobilière à la cause ukrainienne.