Loi 101 : Confusion et division
Depuis plusieurs semaines, le débat linguistique dans le milieu du commerce est relancé au Québec. À Saint-Bruno, c’est la promotion d’offres d’emploi bilingues qui sème la discorde.
Le député bloquiste de Montarville, Stéphane Bergeron, a communiqué son intention de défendre le projet de loi C-223, présenté par le Bloc québécois afin que soit dorénavant exigée « une connaissance suffisante du français comme condition à l’obtention de la citoyenneté pour les résidants permanents au Québec ». La CAQ a, quant à elle, annoncé qu’« une partie importante » du plan de son gouvernement sera consacrée à faire respecter la loi 101. Les résultats d’un sondage mené par Léger et présentés par le Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ), dirigé par sa directrice générale, Martine Desjardins, au début du mois de novembre ont été l’élément de relance du débat. Plus de 59 % des répondants estimaient que la situation de la langue française s’était dégradée depuis dix ans et 62 % d’entre eux se montraient pessimistes quant à son avenir.
Embaucher en bilingue
En septembre dernier, le journal avait couvert les agitations provoquées sur la Toile par la publication d’une offre d’emploi du restaurant The Keg, à Saint-Bruno. Certains citoyens s’indignaient qu’elle ait été traduite, tandis que d’autres n’y voyaient pas d’inconvénient.
66 %
C’est la proportion des Montarvillois qui maîtriseraient les deux langues officielles.
Qui a raison?
En analysant les sources de droit et en sondant le marché local, le journal a constaté que le restaurant The Keg n’était pas la seule entreprise locale à afficher des offres d’emploi bilingues et à en faire la promotion. Il s’agit aussi d’une pratique courante à l’échelle de la province, mais il est difficile de savoir si elle contrevient ou non à la loi 101 lorsque l’on s’y réfère.
Sur les sites Internet d’entreprises du domaine public, en revanche, l’entièreté du contenu est disponible dans les deux langues officielles, à l’exception de la section carrières. L’article 41 de la Charte stipule que « L’employeur rédige dans la langue officielle les communications qu’il adresse à son personnel. Il rédige et publie en français les offres d’emploi ou de
promotion ». Mais selon le site Web de l’Office québécois de la langue française (OQLF), même si « toute offre d’emploi destinée au public à l’extérieur de l’entreprise (…) demeure visée par l’article 41 (…) une autre langue peut être utilisée concurremment et sur un pied d’égalité avec le français ». Le journal a demandé à l’OQLF sur quoi reposait l’affirmation qu’une offre d’emploi puisse être traduite, puisque l’article 41 n’en fait pas mention. Selon Chantal Bouchard, du secteur des communications, qui a préféré bénéficier d’une période de réflexion et de consultation avant de répondre à cette question, « une autre langue peut être utilisée concurremment et sur un pied d’égalité avec le français parce que l’article 41 de la Charte doit être lu avec les articles 89 et 91 (…) à la lecture de l’article 89, on comprend que la loi permet d’employer à la fois le français et une autre langue. L’article 91, quant à lui, permet que le français et une autre langue soient utilisés, mais le français doit figurer d’une façon au moins aussi évidente ». En conclusion, même si certains s’en remettent à l’article 41 pour dissiper le doute, il faudrait plutôt considérer les trois articles de la Charte mentionnés par l’OQLF afin d’établir si l’affichage d’une offre d’emploi est conforme ou non.