Une offre d’emploi qui ne passe pas

La publication d’une offre d’emploi bilingue sur les réseaux sociaux et le site du restaurant The Keg Steakhouse + Bar de Saint-Bruno suscite de vives réactions depuis quelques jours. Sur l’annonce affichée sur ses pages, on peut lire « EMBAUCHE / WE ARE HIRING », suivi de la description du poste dans les deux langues, ce qui ne semble pas plaire à bon nombre de francophones, alors qu’on reprochait déjà à l’image de marque du restaurant de manquer de neutralité linguistique.

Parmi les centaines d’internautes qui s’annoncent outrés ou surpris par l’affichage de l’offre en français et anglais, on compte Mathieu Bock-Côté, ardent défenseur de l’identité nationale du Québec et de la langue française, et sociologue connu des médias québécois : « Manifestement, à Saint-Bruno, la langue commune n’est pas le français. », lance-t-il pour alimenter le débat.

Des francophones indignés

« Si la connaissance du français est indispensable pour le poste, pourquoi la traduction en anglais ? Poser la question, c’est y répondre. », commente une internaute. Elle poursuit : « on encourage encore le bilinguisme à sens unique : les francophones apprennent l’anglais, et les anglophones et allophones qui arrivent au Québec à l’âge adulte se contentent de l’anglais. Un phénomène que renforcent les offres d’emploi comme celles-ci. »

Pour un travailleur de Saint-Bruno, il ne faut pas faire des cas isolés une généralisation : « Je travaille présentement à Saint-Bruno et remarque qu’il y a pas mal d’anglophones qui y vivent, mais que la plupart parlent très bien le français. » Il mentionne toutefois qu’ « il y a une minorité de gens à l’esprit obtus qui y vivent depuis 50 ans et qui n’ont jamais daigné apprendre un seul mot de français. »

« L’employeur (…) rédige et publie en français les offres d’emploi ou de promotion. » – Article 41 de la Charte de la langue française

La loi 101 encore mal comprise

Alors que des dizaines de québécois reprochent au restaurant de ne pas respecter La Charte de la langue française, leurs détracteurs rejettent l’accusation. Selon ces derniers, l’annonce ne contrevient pas à la loi puisque le terme « embauche » y est trois fois plus gros que sa traduction. Ils semblent confondre la loi applicable à la langue du commerce et des affaires avec celle concernant les offres d’emploi. En effet, l’article 41 de la Charte, qui se rapporte à la langue du travail, se veut très clair : « L’employeur rédige dans la langue officielle les communications qu’il adresse à son personnel. Il rédige et publie en français les offres d’emploi ou de promotion. »

Notons que selon les données de l’Institut de la Statistique du Québec, en 2011, 10,7 % des habitants de Saint-Bruno se considéraient anglophones. Par contre, un recensement de Statistique Canada de 2016 révèle qu’au sein de la communauté anglophone, c’est une minorité d’habitants équivalant à 2 % de la population montarvilloise qui ne parlent pas le français. Bien que Saint-Bruno soit une station touristique, ces chiffres ne justifieraient pas d’avoir recours à l’anglais pour s’adresser aux candidats potentiels, selon certains. Mais ce raisonnement n’a plus besoin d’être invoqué lorsque l’article 41 de la Charte règle la question.

Finalement, pour de nombreux québécois comme pour The Keg, les principes de la Charte semble demeurer flous. À ce jour, le restaurant n’a apporté aucun changement à son annonce, dont la traduction polarisée est maintenue.

Question aux lecteurs :

Croyez-vous qu’il faudrait permettre aux employeurs d’afficher des offres d’emploi dans plusieurs langues ?