Des mères privées d’un précieux soutien à l’accouchement

Depuis le début du mois, on peut consulter la publication émise par l’Association Québécoise des Accompagnantes à la Naissance (AQAN / QAD) dressant la liste des hôpitaux qui refusent encore de laisser les patientes accoucher en présence d’une deuxième personne pour des mesures préventives contre la COVID-19.

Inscrits à cette liste se trouvent plusieurs hôpitaux de la Montérégie et de Montréal, dont l’Hôpital Pierre-Boucher, Honoré-Mercier, le CHUM, Royal-Victoria et l’Hôpital Juif. Les patientes qui s’y présentent pour accoucher se trouvent alors forcées de choisir entre leur conjoint(e), leur mère, et leur accompagnante à la naissance, une problématique qui génère beaucoup d’angoisse additionnelle à l’isolement causé par la pandémie.

Dans le document sur les « Directives pour la prise en charge des femmes enceintes et des nouveau-nés » publié par le Ministère de la Santé et des Services sociaux, « Une deuxième personne significative pourrait être présente en fonction des politiques de l’établissement ». Cela signifie que la décision revient ultimement aux hôpitaux, qui se réservent le droit de refuser l’accès à tout accompagnateur au motif que sa présence contrevient au protocole interne.

Une méconnaissance de la profession

En entrevue, la présidente de l’AQAN, Annick Bourbonnais fait le point sur la situation. Selon elle, l’ignorance est à l’origine du problème : « C’est une situation sans précédent et le domaine de la santé est en réaction. En milieu hospitalier, on constate la méconnaissance fondamentale de ce qu’est et ce que fait une accompagnante, ce qui fait qu’on nous refuse encore l’accès dans plusieurs hôpitaux, et la Montérégie est un endroit où l’on n’est vraiment pas acceptées. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, on était accueillies à bras ouverts par les infirmières.»

Elle poursuit : « On reçoit beaucoup de témoignages de parents et d’infirmières qui souhaitent notre retour et s’impatientent. Mais on se heurte au fait que ce qui prime dans les hôpitaux, à l’heure actuelle, ce sont les protocoles mis en place pour éviter la propagation de la COVID-19, et réduire le nombre de visiteurs. Or, ces protocoles ne sont pas nécessairement établis par des personnes qui œuvrent en situation de terrain, mais plutôt par des administrateurs plus hauts placés, qui semblent nous voir comme des personnes de plus à gérer lors d’un accouchement, comme une amie ou un visiteur qui pourrait être dépassé(e) par la situation, à défaut de nous voir comme des professionnelles. »

« Nous ne sommes pas contre le système de santé, nous le soulageons. » – Natacha Lafond, accompagnante à la naissance

Un service nécessaire mais complémentaire

Natacha Lafond, une accompagnante à la naissance de Saint-Bruno connue sous le nom de la « La Fée Marraine », nous explique que le travail d’une accompagnante, c’est beaucoup plus que ce que l’on en pense : « Contrairement à l’équipe médicale qui prend en charge une patiente, nous entretenons une relation intime et privilégiée avec les femmes qui deviennent nos clientes, puisqu’elles nous choisissent. Nous faisons un important travail de préparation qui commence bien avant l’accouchement, pendant lequel nous offrons déjà un accompagnement spirituel, mental et physique, qui les rassure et dont elles ne devraient pas avoir à se priver lors du jour J. Tout le mois précédent l’accouchement, nous sommes disponibles 24 h/24. C’est un travail qui offre un service personnalisé, de la bienveillance et une reprise de pouvoir sur la grossesse, qui les met en confiance et qui se veut complémentaire au travail du personnel médical ».

Elle insiste sur le fait que le rôle d’une accompagnante n’a pas à être substitutif : « Il s’agit aussi d’aider les infirmières qui sont débordées, surtout en ce moment. Après tout, nous ne sommes pas contre le système, nous le soulageons. Mais puisque nous œuvrons dans le secteur privé, nos patrons à nous, ce sont nos clients, c’est-à-dire les parents ».

Les premières victimes collatérales des décisions restrictives à l’accès des personnes accompagnantes demeurent les mères et leurs proches, qui vivent l’accouchement sans tout le soutien qu’elles méritent : « J’ai des clientes qui m’ont désignée comme personne accompagnatrice lors de leur accouchement, même si elles ont dû renoncer à la présence d’un membre de leur famille, tout simplement parce qu’elles jugeaient ma présence nécessaire et bénéfique. »

Un enjeu féministe

Selon Madame Lafond, une accompagnante à la naissance aidera aussi les parents à faire des choix éclairés en ce qui concerne les interventions qu’on leur proposera pendant l’accouchement. « Une femme qui crie, c’est dérangeant. », dit-elle. « Lorsqu’on propose une épidurale de façon systématique, c’est parce que c’est ce qui est prescrit de manière standardisée. On va donner des hormones artificielles à une patiente parce qu’elle a des contractions. Ce ne sont alors pas des soins personnalisés, mais des soins standardisés selon l’idée qu’il faut la faire taire ou la calmer. Avec une accompagnante, on va explorer d’autres options si préférables pour nos clientes, en leur donnant des avenues supplémentaires en connaissance de cause. »

L’accompagnement malgré tout

En ce moment, les accompagnantes comme Natacha Lafond continuent d’offrir une présence bénéfique à leur clientes, mais la préparation se fait beaucoup au moyen d’échanges virtuels. Le réseau des accompagnantes à la naissance et les parents ont grand besoin d’une ouverture et de gestes concrets pour faire bouger les choses en centres hospitaliers et maisons de naissance, afin de faciliter l’accès aux personnes dont les patientes choisissent de s’entourer lors de cet important moment de leur vie. Toutefois, Madame Bourbounnais rapporte qu’elle n’a eu aucune nouvelle de la part de la Direction adjointe des services aux jeunes et aux familles (Ministère de la Santé et des Services sociaux) depuis leur rencontre d’il y a quelques semaines, même si la détresse et les accouchements, eux, continuent d’exister.