Boisé des Hirondelles : « une bataille de gagnée mais pas la guerre »

Depuis près de 30 ans maintenant, l’avenir du boisé des Hirondelles à Saint-Bruno-de-Montarville est en ballotage entre ceux qui veulent le protéger et le sénateur Paul J. Massicotte, propriétaire du terrain, qui désire y construire des maisons de prestiges.

« Le gouvernement du Québec a refusé la demande de certificat d’autorisation visant la réalisation d’un développement domiciliaire dans l’habitat du ginseng à cinq folioles », pouvait-on lire, le 1 er juin, dans la communication de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP) qui se réjouissait de cette annonce. Très rapidement, le Parti montarvillois, parti du maire Martin Murray a relayé la nouvelle.

La SNAP a été la première à annoncer ce qu’elle a appelé « un dénouement » dans l’avenir du boisé des Hirondelles.
Le 2 juin, le ministère de l’Environnement confirmait la nouvelle au journal Les Versants.

« Le MELCC a refusé de délivrer une autorisation pour le projet de développement résidentiel La Futaie à Saint-Bruno en vertu de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel du Québec. Étant donné que le dossier est judiciarisé, le ministère ne commentera pas davantage », nous a écrit Daniel Messier, porte-parole du ministère de l’Environnement en Montérégie.

Alain Branchaud, directeur générale de la SNAP Québec, préfère quand même utiliser le conditionnel pour parler de la protection définitive du boisé des Hirondelles.

« Le refus d’émettre le certificat d’autorisation par Québec pourrait être le pas décisif pour enfin permettre la conservation du boisé des Hirondelles, un dossier mené à bout de bras par quelques citoyens et élus depuis plus de 10 ans », indique-t-il au journal.

Le secret de l’instruction pousse le ministère à ne pas expliquer les raisons de sa décision et si cette dernière est irrévocable.

Une victoire vite annoncée
Cette nouvelle a été très rapidement relayée par le Parti montarvillois, le parti du maire de Saint-Bruno, Martin Murray. En décembre 2012, alors qu’il était chef du parti d’opposition, il avait remis un dossier de 600 pages à l’UPAC pour qu’elle enquête sur l’administration de l’époque au sujet d’un projet immobilier dans le boisé des Hirondelles. Les membres du Parti montarvillois avaient appelé l’affaire « Le dossier noir du boisé des Hirondelles ». Cela avait été un élément fort dans l’élection de M. Murray au poste de maire de Saint-Bruno. Un dossier que l’UPACa classé sans suite quelques années plus tard.

« C’est avec bonheur et soulagement que nous apprenons ce matin que Benoit Charrette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques aurait rejeté la demande de certificat d’autorisation du projet de développement résidentiel La Futaie sur le mont Saint-Bruno », écrivait le 1er juin Martine Bousquet, présidente du Parti montarvillois.

Dans ce même communiqué. Isabelle Bérubé, conseillère municipale du district 3 se réjouissait aussi de la nouvelle. « Cette décision consacre l’importance de privilégier la protection de la biodiversité et de l’environnement en dépit de la pression politique et sociale pour mettre la main sur les revenus obtenus par les nouveaux développements immobiliers. » Cette dernière a cependant indiqué au journal, qu’elle tenait cette information de la communication faite un peu avant par la SNAP.

« Le refus d’émettre le certificat d’autorisation par Québec pourrait être le pas décisif pour enfin permettre la conservation du boisé des Hirondelles, un dossier mené à bout de bras par quelques citoyens et élus depuis plus de 10 ans. » – Alain Branchaud

Avant de crier victoire, comme l’a fait le Parti montarvillois, M. Branchaud préfère y aller prudemment. « Après la rainette faux-grillon en Cour d’appel fédérale le mois dernier, c’est une autre bataille gagnée par une espèce menacée sur des terres privées. La propriété privée n’est pas une zone d’exclusion de devoir moral qu’ont maintenant les gouvernements au Canada de réprimer le mal que constitue la destruction de la biodiversité. C’est un grand chantier qui doit s’amorcer sur le régime de lois, sur la gouvernance et sur la mise en place d’un contrat social clair en matière de protection des milieux naturels. »

Une procédure est en cour
Le sénateur Paul J. Massicotte a acquis ce terrain de six hectares en 2006 et compte y construire un projet de 27 habitations, ce que veut empêcher l’administration Murray.

Le projet est situé dans le boisé des Hirondelles, qui abrite une espèce florale protégée, et la Ville souhaite préserver ce boisé où la construction de logements luxueux est envisagée. Pour aller de l’avant dans ce projet, il manquait à M. Massicotte l’autorisation du ministère de l’Environnement afin de savoir à quoi s’en tenir.

Dans l’attente depuis près de 10 ans de cette décision gouvernementale, M. Massicotte a décidé d’aller devant les tribunaux contre un règlement de la Ville interdisant d’abattre des arbres dans une zone où il y a des espèces menacées.

À la suite de cette décision, M. Massicotte a pris l’initiative de poursuivre la Ville de Saint-Bruno pour « expropriation déguisée » et demande un dédommagement de 17 millions de dollars. D’autre part, le sénateur demande au juge d’ordonner au ministère de l’Environnement de prendre sa décision.

En août 2019, l’honorable Claude Dallaire, juge à la Cour supérieure, a condamné la société Sommet Prestige Canada, dirigée par le sénateur Paul J. Massicotte, à rembourser les frais d’avocats et les intérêts dans le cadre d’une poursuite bâillon contre le maire de Saint-Bruno et une conseillère municipale.

La juge Dallaire, dans sa décision du 16 août 2019, a reconnu que le fait que le certificat d’autorisation requis par le ministre de l’Environnement n’ait pas encore été émis est « clairement l’un des éléments clés empêchant les demanderesses d’aller de l’avant avec leur projet ».

Pour M. Branchaud, avec cet avis, les poursuites contre la Ville de Saint-Bruno devrait tomber. Maintenant, toutes les parties ont intérêt à résoudre le dossier, surtout que le gouvernement fédéral pourrait intervenir, comme il l’a fait pour la rainette faux-grillon. »

Le promoteur, contacté par le journal, n’a pas voulu s’exprimer en expliquant que le dossier était judiciarisé.