Éducation : un bâillon qui passe de travers

La CAQ a imposé le bâillon, implantant plus hâtivement qu’attendu sa loi modifiant la loi sur l’instruction publique. Cette façon de faire n’a pas suscité le bonheur de tous et une vague d’enseignants vêtus de noir a déferlé dans les écoles du territoire.

« Je trouve cela extrêmement dérangeant, inimaginable et inacceptable ce qui se passe, lance d’emblée Dan Lamoureux, président de la commission scolaire Riverside, dont le mandat se poursuivra jusqu’en novembre par son statut de commission scolaire anglophone. Je trouve cela très frustrant pour mes homologues francophones », ajoute M. Lamoureux, qui considère que l’abolition des élus n’est construite sur aucune base scientifique.

Bâillon hâtif

Le bâillon se voit habituellement en fin de période parlementaire. Éric Gingras, président du Syndicat de Champlain, affirme que, cette fois, le bâillon a été utilisé hâtivement. « Le bâillon n’était pas notre premier choix, répond Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation. On préfère adopter une loi de la manière classique. Ce ne fut pas possible, car il y avait de l’obstruction et du blocage systématique de la part des oppositions. Nous n’avions que 15 à 20 articles d’adoptés après 70 heures de travail plus 30 heures d’audition. Deux semaines de plus n’auraient rien changé, ça n’aurait été que deux semaines de blocage supplémentaire ayant simplement diminué la période nécessaire à la transition », explique le ministre quant aux motifs qui contraignent son parti à agir de la sorte.

Projet de loi mammouth

L’abolition des commissions scolaires est mentionnée fréquemment au sein de la loi, mais c’est plus de 300 autres articles qui sont greffés à ce projet, dont certains préoccupent Éric Gingras.

« Le gouvernement a mystifié la population en parlant de la loi, qui ne faisait qu’abolir les commissions scolaires et ses élus, mais derrière cela, ce sont des modifications importantes d’éléments qui impactent le personnel enseignant. »

« Je trouve cela extrêmement dérangeant, inimaginable et inacceptable ce qui se passe. » – Dan Lamoureux

Le député de Chambly rétorque que « Plus on va faire connaître ce qu’il y a dans la loi, plus les gens y adhéreront. Il y a eu beaucoup de désinformation là-dessus. Je pense que certains syndicats alimentent la grogne pour mobiliser des troupes en vue de la négociation. C’est une stratégie qui leur appartient, mais un jour, les gens vont se rendre compte qu’elle est bonne, cette loi ».

Cri du cœur des enseignants

Il ne suffit que de circuler un bref instant sur les forums d’enseignants pour constater un essoufflement collectif au sein du corps professoral. Le qualificatif « arrogant » y est écrit maintes fois de la main d’enseignants ne se sentant pas écoutés. Certains se demandent si le ministre se souvient de ses racines initiales et d’autres manifestent l’éventualité de tourner le dos à la profession.

Des cris du cœur de la sorte provenant d’une enseignante de la commission scolaire des Hautes-Rivières ne sont pas chose rare : « J’aime mon travail, mais à quel prix? Doit-on sacrifier notre famille, notre vie personnelle, notre santé mentale? Qui doit-on encore sensibiliser pour obtenir des conditions de travail adéquates et un contexte? »

À l’amorce des négociations de la convention collective des enseignants, le président de Champlain prend la balle au rebond et renchérit.

« Le gouvernement a beau parler d’amélioration des conditions de travail, il n’a rien fait de concret dans sa première année. »

Jean-François Roberge ne voit pas du même œil cette réalité. « Nous avons annoncé que nous allions améliorer le salaire des enseignants plus que celui des autres employés de la fonction publique. Projetons-nous dans un an, avec plus de services pour les enfants en difficulté, plus de services qui aident les profs à aider les élèves, des salaires plus élevés, des écoles rénovées, car c’est ce qui s’en vient. J’ai l’impression qu’on dénonce la situation actuelle et, par la bande, les anciens gouvernements. Les fruits de notre travail, nous allons les récolter dans deux ou trois ans », boucle avec assurance le député de Chambly.